Plusieurs voix, une seule vision : Le dialogue du Sommet sur les systèmes alimentaires du FEM souligne le pouvoir des plateformes multipartites


Les participants au dialogue du Sommet sur les systèmes alimentaires du FEM ont tous formulé le même souhait : que les parties prenantes des systèmes alimentaires et de la conservation aient davantage d'occasions de se réunir pour prendre des décisions collectives et résoudre les problèmes.

En juillet, le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) organisa un débat virtuel avec des représentants de programmes financés par le FEM et promouvant des approches intégrées pour transformer les systèmes alimentaires. Cette discussion venait en prélude au Sommet sur les systèmes alimentaires des Nations Unies (ONU).

En marge de l'Assemblée générale des Nations unies de septembre, se déroulera le Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires dont le but est de lancer de nouvelles actions audacieuses pour transformer la façon dont le monde produit et consomme les aliments. Plusieurs entretiens préalables au sommet sont organisés entre un groupe diversifié d'acteurs issus de gouvernements, de partenaires de développement, de communautés et du secteur privé. Ces débats offrent une plateforme aux voix qui se font rarement entendre et permettent aux participants de débattre et de se concerter pour établir de meilleurs systèmes alimentaires pour l'avenir.

Au cours des 30 dernières années, le FEM a investi dans un large éventail de projets dans le domaine de l'alimentation et de l'agriculture. Au cours des sixième et septième cycles de reconstitution des ressources du FEM, le Fonds s'est attaché à faire progresser les approches intégrées pour combattre les facteurs de dégradation écologique au sein des systèmes alimentaires. Les responsables de ces programmes ont été conviés à discuter des leçons émergeant de la pratique des approches intégrées sur le terrain.

Une leçon est revenue maintes fois : le pouvoir de la collaboration et des échanges transversaux.

Comprendre la dimension politique de la transformation des systèmes alimentaires

Carlos Manuel Rodriguez, directeur général et président du FEM, a ouvert le débat de juillet par une anecdote sur sa première expérience en tant que jeune ministre de l'environnement au Costa Rica, en 1998. Au cours de son premier mandat, il s'est vite rendu compte que les ministères de l'agriculture et de l'environnement n'étaient pas toujours d'accord.

"Le ministre de l'agriculture voyait le ministre de l'environnement comme un obstacle à la croissance et au développement rural", déclara M. Rodriguez. "Il était difficile de se mettre d'accord sur notre façon de gérer les ressources naturelles au niveau du paysage - alors que nos objectifs n'étaient pas si différents."

M. Rodriguez découvrit ainsi qu'au niveau du dialogue et des mesures de politique, les cloisonnements sectoriels empêchent souvent les bonnes idées de germer. Les ministères de l'agriculture et de l'environnement devraient planifier ensemble, prendre des décisions conjointes et concilier leurs agendas. Au lieu de cela, ils se concentrent souvent sur les divergences de leurs agendas plutôt que sur leurs convergences. 

De par cette expérience, M. Rodriguez comprit l’importance de créer des espaces de dialogue et de collaboration interministériels. En tant que Ministre de l'environnement, il associa les deux ministères pour concevoir un aménagement collectif du territoire, ce qui n'avait encore jamais été fait. Le procédé se révéla un succès. Les deux ministères convinrent de restreindre l'expansion des terres agricoles dans les zones forestières, ce qui permit d'inverser le rythme de la déforestation au Costa Rica.

Les approches intégrées en action: pour concilier les agendas agricole et écologique

L'histoire de Carlos Manuel Rodriguez illustre combien il est crucial de comprendre et de prendre en compte la dimension politique de la transformation des systèmes alimentaires.

En privilégiant une approche intégrée de la planification et de la mise en œuvre des interventions au niveau du paysage et de la chaîne d'approvisionnement, les programmes d'approche intégrée et d'impact financés par le FEM ont permis de faire de grands progrès pour concilier les priorités agricoles et écologiques.

L'intervenant Pradeep Kurukulasuriya, directeur de la branche Nature, Climat et Énergie et coordinateur exécutif pour le financement de l'environnement au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), a noté que les plateformes multipartites offrent aux acteurs l'occasion d'avoir des conversations difficiles mais nécessaires. Le PNUD mène le programme Good Growth Partnership (GGP) financé par le FEM, axé sur une approche de " la totalité de la chaîne d'approvisionnement " pour permettre une " bonne croissance " dans les chaînes d'approvisionnement en produits de base sans déforestation conséquente.

Le GGP se consacre à la création d'espaces de discussion incluant des acteurs de l'ensemble de la filière. "Ces discussions nécessitent un espace sûr", a déclaré M. Kurukulasuriya, "un espace où les détaillants, les fabricants, les institutions financières, les gouvernements, les producteurs et les acheteurs - ont tous la possibilité d'échanger des idées et de surmonter leurs différences pour faire avancer les choses."

Julian Lampietti, directeur de la division Engagement mondial au sein du Département de l'agriculture et de l'alimentation de la Banque mondiale, a reconnu que des partenariats solides entre les différents secteurs étaient indispensables pour faire infléchir le système alimentaire actuel vers la durabilité. La Banque mondiale dirige le plus récent et le plus important programme d'impact du FEM, le programme FOLUR (Food Systems, Land Use and Restoration).

"L'idée centrale de [FOLUR] est de coopérer avec différents ministères", a déclaré M. Lampietti. "Le programme nous offre une plateforme pour associer les ministères de l'agriculture, de l'environnement et, surtout, des finances et du commerce."

L’intervenante Sara Mbago-Bhunu, directrice de la division Afrique orientale et australe du Fonds international de développement agricole (FIDA), a fait valoir l'importance d'un soutien financier durable pour ces plateformes. "Oui, les plateformes multipartites ont besoin de financement, mais elles fonctionnent", a déclaré Mme Mbago-Bhunu.

Avec le soutien de partenaires clés des ministères de l'agriculture, de l'environnement et des finances, ainsi que de partenaires régionaux, comme l'Union africaine, le FIDA pilote le programme "Systèmes Alimentaires Résilients " (RFS), qui s'efforce d'améliorer la résilience et la durabilité des systèmes de production alimentaire des petits exploitants dans 12 pays africains.

À ce jour, le programme a donné des résultats tangibles portant sur 1,4 million de petits exploitants agricoles. De plus, 150 000 ha de terres ont été restaurés et 160 000 petits exploitants ont été spécifiquement formés aux pratiques agricoles durables.

Dans le cadre de chacun des projets pays, des plateformes multipartites ouvrent des lieux de discussion sur des politiques fondées sur des données scientifiques au niveau national et communautaire afin de faciliter la prise de décision collective. À ce jour, 19 plateformes nationales et 51 plateformes sub-nationales ont été créées dans 12 pays.

Ces résultats sont prometteurs pour l'avenir des approches intégrées - et ont démontré le potentiel des plateformes multipartites pour redéfinir la manière dont les divers secteurs se concertent pour identifier, concevoir et mettre en œuvre des interventions dans le système alimentaire.

Les réflexions des participants - et les discussions plus larges s'étant tenues lors des discussions préalables au sommet - arrivent à point nommé. "Nous avons une chance incroyable de redémarrer le système", a déclaré M. Lampietti. " Covid-19 nous oblige à repenser beaucoup de choses, et le système alimentaire en fait partie." 

Comment répondre à la complexité croissante ? Par une coopération profonde et la participation communautaire

Au cours du débat, le Dr Martin Frick, Adjoint de l'Envoyé spécial pour le Sommet des Nations Unies sur les Systèmes Alimentaires, a souligné le fait que pour transformer les systèmes alimentaires, il faille investir dans des solutions systémiques. Il est nécessaire de financer des projets qui s'attaquent à toutes les composantes sous-jacentes des systèmes alimentaires, et pas juste à quelques-unes.

"Du point de vue des bailleurs de fonds: quelles solutions à ces problèmes avec des ressources très limitées ? Et du point de vue des pays: comment faire pour rassembler toutes ces crises interconnectées sous un même chapeau ?" a demandé le Dr Frick. Sa réponse ? Une coopération fondamentale. 

Le Dr Frick a insisté sur l'importance de créer et de soutenir des plates-formes réunissant toutes les parties prenantes autour de la table afin de déterminer comment utiliser des ressources limitées pour obtenir un impact maximal. Il ne suffit plus de financer des projets dédiés à une seule facette de la santé du système alimentaire, a expliqué le Dr Frick. "Les projets doivent être bénéfiques pour le climat et la biodiversité. Ils doivent permettre aux populations locales de prospérer. Ils doivent permettre aux femmes de s'épanouir."

Le FEM est connu pour ses instruments de financement innovants, a déclaré le Dr Fritz. Il offre une structure permettant de réunir, dans un même projet ou programme, les différentes composantes des problèmes environnementaux mondiaux.

Mais ce n'est pas nécessairement la norme. Les bailleurs de fonds agissent sous des contraintes budgétaires. Il est souvent complexe de parvenir à financer simultanément plusieurs secteurs. "Il nous faut travailler sur plusieurs objectifs en même temps et nous ne devons pas craindre cette complexité", a déclaré le Dr Fritz.

Pour résoudre cette complexité, il préconise la participation communautaire. Quand on ne dispose que de fonds limités, il est plus facile de s'attaquer à des problèmes complexes en permettant aux communautés de se les approprier au moyen de plateformes. Lorsque ce sont les communautés qui prennent les décisions, les fonds disponibles sont répartis de manière optimale.

La concertation n'est pas une fin en soi, mais un processus à long terme.

Tout en étant d'accord avec les autres intervenants sur la valeur des plateformes multipartites, Andrew Bovarnick, Chef mondial de la branche Systèmes de produits alimentaires et agricoles et du Programme des produits verts du PNUD, a fait un petit rappel à la réalité.

Les consultations multipartites sont efficaces pour conjuguer la matière grise et l'expérience collectives et trouver des solutions, a-t-il déclaré, mais elles échouent souvent lorsqu'il faut traduire ces solutions en actions.  

"Nous savons ce qui devrait être fait, mais pourquoi cela ne se fait-il pas ?" a demandé M. Bovarnick.  

L'une des causes serait que les plates-formes multipartites regroupent des parties prenantes ayant des agendas contradictoires. Les conversations sont souvent difficiles et lentes. Mais une chose est sûre : le changement ne se produira pas sans que les parties prenantes se réunissent et expriment leurs différences.

Ces plateformes doivent s'ouvrir à des perspectives diverses. Le dialogue et la coopération peuvent aider à gérer les conflits et les tensions existant entre les parties prenantes, par exemple entre les acteurs de la production alimentaire et ceux de la conservation.

"Il s'agit d'instaurer la confiance et de faire tomber les barrières, or cela prend beaucoup de temps", a déclaré M. Bovarnick. Il a souligné que les agriculteurs, les représentants de l'industrie agroalimentaire et les ministères doivent adhérer à une vision commune. "Ce n'est qu'à ce moment-là que le changement se produira", a-t-il ajouté.

Le Dr Blake Ratner, fondateur et directeur exécutif de Collaborating for Resilience et membre du groupe consultatif scientifique et technique du FEM, fit écho à ce sentiment. "Les plateformes multipartites ne sont pas une tendance passagère ou une mode", a déclaré le Dr Ratner, "mais une partie intégrante de ce qui se profile comme la science de la transformation des systèmes."

"À long terme, il n'y a pas de compromis possible entre la conservation et la résilience du système alimentaire, la durabilité et le bien-être humain", a déclaré le Dr Ratner. 

Nous habitons tous la même planète : la conservation et la durabilité sont indispensables à la sécurité alimentaire. Le dialogue n'est pas un luxe - sans nous parler les uns aux autres, nous perdrons une occasion vitale de nous préserver, nous et la planète. Les fenêtres d'opportunité se referment peu à peu - le dialogue est notre meilleur moyen d'empêcher qu'elles ne soient closes. 


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